Comportement du Bec Variable


1. La première question que l'on peut se poser en voyant ce dispositif fixé sur le bec est : va-t-on pouvoir le jouer? peut-on s'y adapter facilement?

Quand la pédale est actionnée, un volume d'air supplémentaire se crée dans le bec, et celui-ci modifie la sensation que le clarinettiste a habituellement. Ce changement n'est tout de même pas très important par rapport à la sensation normale de jeu. L'instrumentiste s'adapte assez facilement à ce nouveau dispositif par un travail régulier.

Quelques suggestions d'exercices pour contrôler le Bec Variable :

Remarque : Les indications données ici résultent du travail effectué avec Pierre Dutrieu et Alain Damiens. Elles ne sont pas absolues. Il conviendra à chacun d'expérimenter pour obtenir les résultats recherchés.

puce Dans la région suraiguë, à partir du fa, il est nécessaire que les lèvres inférieures soient plus tendues, et que la pression d'air soit légèrement plus forte que d'habitude.

puce Pour l'émission du son éolien (souffle : son produit lorsqu'on souffle dans une clarinette sans produire de note) on doit prendre plus de bec, surtout au niveau de la lèvre supérieure, et la lèvre inférieur doit être détendue et tirée vers l'avant, comme pour prononcer la lettre " u ", ou comme si on voulait laisser passer de l'air entre la lèvre inférieure et l'anche.

puce Sur des multiphoniques, appliquer un appui lent sur la pédale, et essayer de toujours garder les sons contenus dedans.

2. La Coordination entre les mouvements habituels du clarinettiste, et ce qu'il doit effectuer pour contrôler le système du Bec Variable crée une nouvelle situation de jeu pour l'instrumentiste.

Quand l'exécution d'une note est accompagnée en même temps de l'enfoncement de la pédale, le mouvement paraît naturel, et la coordination ne pose pas de problèmes particuliers. Mais, lorsque les mouvements sont contraires entre l'exécution de la note et le mouvement de la pédale, l'instrumentiste se voit confronté à une situation qui requiert un entraînement de coordination. L'exemple A4 en est une bonne illustration : lorsque l'instrumentiste veut jouer un sol puis un sol quart de ton, il ne peut pas faire monter le sol d'un quart de ton avec la pédale. Il doit jouer un lab à la place, et faire descendre le lab d'un quart de ton avec la pédale.

Quelques exercices pour développer la coordination sont ici proposés. Ces exercices comme ceux qui sont présentés précédemment, visent à développer des situations spécifiques, mais d'autres exercices peuvent être imaginés par le clarinettiste lui-même.

Quelques suggestions d'exercices pour contrôler la coordination :

puce En jouant une note quelconque actionner plusieurs fois la pédale, en commençant par une vitesse lente, et en accélérant jusqu'à atteindre une vélocité maximale sans perdre de régularité, et en tenant constamment le talon sur le sol. Cet exercice devra permettre, après quelques entraînements, une souplesse de l'articulation.

puce Réaliser une gamme chromatique rapide, en enfonçant la pédale toutes les quatre notes, puis toutes les trois, toutes les deux, et pour finir sur chaque note.

puce Sur une note quelconque, concevoir mentalement des rythmes différents, du plus simple au plus complexe, et les reproduire avec la pédale en gardant toujours la stabilité du son.

puce Sur une note quelconque, travailler l'enfoncement de la pédale à différentes vitesses. Les glissandi seront ainsi du plus lent au plus rapide possible.

3. La transposition avec le Bec Variable a un fonctionnement sur deux registres. L'intervalle obtenu par transposition en appuyant la pédale, n'est pas le même sur toutes les notes. Ceci s'explique physiquement si l'on sait qu'une même distance (dans ce cas l'ouverture maximale de la pédale) appliquée à un registre grave ne maintient pas la même relation fréquentielle que dans un registre aigu.

Sur une corde par exemple, si l'on déplace régulièrement un trille vers l'aigu en tenant la même distance entre les doigts, l'intervalle obtenu est à chaque fois plus grand.

Les doigtés correspondants aux registres graves (chalumeau et médium) sont répétés pour les deux registres aigus (clairon et aigu) à ceci près que la clé de 12ème est rajoutée. L'intervalle de transposition sera indentique pour deux notes de même doigté.

schéma des registres de la clarinette

G-4 : Schéma représentant les registres de la clarinette

Sur le schéma ci-dessous représentatif des différentes notes de l'instrument et de l'effet d'abaissement de la pédale, supposons que pour mi2, on fixe l'enfoncement de la pédale de telle sorte à obtenir un intervalle d'un quart de ton, alors pour le sib3, on obtient trois quarts de ton pour un même enfoncement. Le même cycle de variation recommence à partir du Si3 et jusqu'au Fa5. Pour les notes restantes, on verra plus loin les caractéristiques résultantes dans le registre suraigu.

schéma de transposition du bec variable

G-5 : Graphique illustrant la proportion d'augmentation de la transposition

La ligne horizontale représente les notes de la clarinette. Les deux registres graves couvrent du Mi2 au Sib3, les deux registres aigus se répètent du si3 au fa5. La ligne oblique représente l'ouverture de la pédale par rapport à sa position au repos. Lorsqu'on trace une ligne perpendiculaire à la ligne de la clarinette en un point N (correspondant à une note quelconque), celle-ci coupe la ligne de la pédale en un point P. Lorsqu'on trace ensuite une parallèle à la ligne de la clarinette, celle-ci coupe la ligne sur le côté droit du schéma en un point I, qui indique l'intervalle résultant de l'enfoncement de la pédale pour la note choisie.

On voit donc d'après le schéma que pour un point N sur Mi2 (respectivement Si3), le point I correspondant donne un intervalle de quart de ton. Pour un Sib3 (respectivement Fa5) on obtient trois quarts de ton.

Noter que l'intervalle de glissando pour un Mi2 est plus petit que pour un Sib3, et que pour un Si3, on retrouve le même intervalle que pour le Mi2.

Pour la réalisation de cette gamme chromatique, on peut facilement entendre l'augmentation graduelle de la distance entre les intervalles ; Le résultat est une gamme qui suit une expansion proportionnelle dans les deux cycles.

La constatation avec les exemples antérieurs de ne pas pouvoir obtenir un intervalle de transposition égal sur toute l'étendue de la clarinette exclue la possibilité de l'utiliser comme un transpositeur en laissant la pédale enfoncée en permanence. Si on désire obtenir un intervalle de transposition constant, on doit faire une correction par maniement de la pédale, exercice difficile à réaliser dans le cas d'un tempo rapide ; le compositeur devra alors prévoir les limitations techniques selon la vitesse de réalisation, lorsque chaque note doit être accordée par la pédale.

Dans ce cas-là, le clarinettiste doit travailler à l'écoute des réflexes de positionnement de la pédale en fonction de l'intervalle souhaité, ou alors faire une correction au niveau de l'embouchure.

Dans ce cas, il est tout à fait possible d'attaquer une note un demi-ton au-dessus et de la baisser d'un quart de ton avec la pédale. Malgré cela, il faut faire attention, car l'utilisation de la pédale fait perdre un peu de dynamique, et il en résulte un petit changement de couleur. Néanmoins, pour les passages en doigtés compliqués, il reste plus facile d'effectuer les quarts de ton avec l'aide de la pédale. De même pour le Mi2 quart de ton bas, il est impossible de le réaliser en doigté.

4. L'utilisation du Bec Variable dans le registre suraigu

Dans le registre suraigu, les résultats ne sont pas très fiables, et dépendent de plus de la géométrie de la clarinette. Il est possible d'obtenir pour ces notes suraiguës, des notes encore plus aiguës en enfonçant la pédale.

5. Un changement de couleur se produit lorsqu'on joue une note avec le Bec Variable. En effet, ceci est dš à la disparition des harmoniques médiums et aiguës, ce qui rend la couleur du son plus mat. On peut avoir l'impression d'un instrument à sonorité ancienne et plus douce.

6. L'émission et l'attaque initiale du son peuvent être difficiles si la pédale se trouve déjà enfoncée. La façon d'attaquer la note est plus critique (on obtient facilement des canards), mais une fois que le son est produit, son déroulement se fait normalement. Il est toujours possible d'émettre une note, et d'actionner en même temps la pédale; de cette façon, l'attaque de la note se fait normalement.

7. Le Glissando (ou pitch bend) est très efficace au moyen du Bec Variable. Etant donné que le mode de jeu habituel de la clarinette ne favorise pas la réalisation des glissandi dans le registre grave, ceux-ci sont plus facilement réalisables avec la pédale. Cette situation permet une écriture beaucoup plus virtuose pour la réalisation de glissandi et de quarts de ton dans ce registre.

8. Avec la transposition, le son éolien (souffle) est un des effets les plus intéressants du Bec Variable. Une augmentation de dynamique est produite. Il faut noter que les sons éoliens sont habituellement peu attractifs sur la clarinette à cause de son manque de dynamique.

Nous n'avons pas été en mesure d'expliquer clairement le phénomène physique responsable de cette augmentation de volume du son éolien, mais il en résulte que la bande de fréquences s'élargit vers les graves, et que les fréquences aiguës se renforcent. De cette façon, les lignes mélodiques acquièrent un contour plus clair et perceptible. Cela permet de travailler les dynamiques à l'intérieur du son éolien et d'exploiter plus efficacement des combinaisons comme les passages progressifs du son au souffle, et vice versa, ou encore de mélanger les deux.

9. D'autres résultats intéressants sont obtenus lorsqu'on utilise le Bec Variable pour quelques effets et modes de jeux de la clarinette, comme les multiphoniques, les sons fendus, le smorzato, le slap ou les tremolos. Les variations de timbre sont amplifiées lorsqu'on introduit de manière variée les glissandi avec la pédale sur ces effets.

En cours de préparation : Ex. Audio A22. Passage musical écrit par Harold Vasquez utilisant un certain nombre des modes de jeu mentionnés dans ce texte.