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QUATRIEME FORUM MATHEMATIQUE DIDEROT

Mathématique et Musique

 

Logiques mathématiques, logiques musicales au XXème siècle.

Paris, Ircam, 3-4 décembre 1999.


Sous l'égide de la Société Mathématique Européenne, un colloque public sur le thème "Mathématique et Musique" se tiendra parallèlement à Lisbonne, Paris et Vienne les 3 et 4 décembre 1999. Le thème spécifique aux journées parisiennes est "Logiques mathématiques, logiques musicales" au XXème siècle. Ces journées sont organisées par Gérard Assayag (Ircam) et Laurent Mazliak (Université Paris VI), avec l'aide d'un comité scientifique et musical comprenant, outre les organisateurs, Marc Chemillier, Laurent Fichet, François Nicolas et André Riotte, et l'appui du CNRS. Elles auront pour but de présenter en perspective certains aspects de l'évolution des formalismes dans ces domaines et de chercher des points de rencontre.

Argument

Programme

Biographies et résumés

Renseignements et inscriptions

 


Argument

 

Logiques mathématiques, logiques musicales. 

 

On constate une double évolution au principe du XXème siècle : la logique s'est mathématisée, perdant ainsi son antique statut de discipline philosophique ; la question d'une logique musicale est devenue explicite, comme recherche d'une "cohérence" propre à la musique. Cette évolution musicale est contemporaine de la fin de la tonalité et du thématisme qui étaient les principes assurant jusque-là la cohérence des oeuvres musicales. La tonalité et le thématisme engageaient certes des logiques propres, éventuellement formalisables, mais souvent gagées sur des fondements naturels plus qu'axiomatiques : la tonalité était gagée sur une physique, et le thématisme sur une psychologie. Les dimensions "logiques" restaient donc en grande partie dépendantes des fondements ontologiques ou fondements en terme d'être musical (ton et thème). Au XXème siècle, les compositeurs se sont trouvés devant un vide ontologique, et à devoir poser des décisions qui ne découlaient plus avec évidence d'une physique ou d'une psychologie, mais restaient pour autant les points de départ ou les points d'articulation de calculs symboliques exprimant une logique interne de la forme et du matériau. La logique quant à elle s'intéresse aux enchaînements universellement valides car non attachés à telle ou telle position d'existence. En se mathématisant, elle s' est aussi adjoint la puissance du calcul, s'essayant avec succès au raisonnement formel sur elle même, dont un des résultats emblématique est le théorème d'incomplétude de Gödel. Les (théories) mathématiques commenceraient, elles, là où interviennent des axiomes d'existence, tels ceux de la théorie des ensembles. Les questions que l'on peut alors se poser sont les suivantes : les formalismes bâtis sur le "raisonnement " musical (l'ensemble emmêlé de ses rationalités, décisions, buts, et de ses calculs, déductions, enchaînements) a-t-il quelque chose à voir avec tel ou tel formalisme de la logique ? Quelle cohérence formelle, logiquement descriptible, peut-il exister dans l'oeuvre, par-delà l'arbitraire des décisions esthétiques singulières ? La logique mathématisée peut elle aider les musiciens à clarifier la spécificité de leur mode de raisonnement ? Et, réciproquement, pour les mathématiciens, la logique musicale peut-elle être une source d'inspiration ?

 

D'après un texte de François Nicolas.

 

Programme

 
 
- 3 décembre matin -
 
09:00 - 10:00
Accueil, enregistrement, café

10:00 - 10:30

Ouverture du Forum Diderot.
Hugues Vinet, directeur scientifique de l'Ircam.
Jean-Pierre Bourguignon, Directeur de l'IHES.
 
Perspectives historiques
 
10:30 - 11:30
Formalisation de la logique et problème de la signification.
Marie-Josée Durand-Richard, Université de Paris 8.
 
11:30 - 12:30
Méthodes d'inspiration mathématique dans l'analyse musicale au
XXème siècle.
Laurent Fichet, IUFM de Toulouse.
 
 
- 3 décembre après-midi -
 
Calcul implicite, calcul inconscient
 
14:00 - 14:45
Où résident les structures ? Questions de niveau dans l'étude de la cognition.
Daniel Andler, Université de Paris IV.
 
14:45 - 15:30
Ethnomusicologie, ethnomathématique. Les logiques sous-jacentes aux
pratiques artistiques transmises oralement.
Marc Chemillier, Université de Caen.
 
15:30 - 16:15
Musicologie cognitive et logique des images musicales.
Marc Leman , Université de Gand.
 
16:15 - 1630 Pause café
 
Table Ronde
 
16:30 - 18h30
Table ronde Paris/Vienne/Lisbonne en visioconférence
Les relations entre les mathématiques sont-elles naturelles ou culturelles ? En d'autres termes, la présence des mathématiques dans la musique est-elle progressivement "découverte" ou est-elle au contraire "construite" selon les besoins du temps ?

Apéritif

 
19:00 - 20:00
 
- 4 décembre matin -
 
Systèmes formels
 
9:30 - 10:15
Xenakis et la logique.
Mikhail Malt, Ircam.
 
10:15 - 11h00 :
Musique et lambda-calcul
Yann Orlarey, GRAME.
 
11:00 - 11:30 Pause café
 
11:30 - 12:15
Théorie des Topos et logique musicale
Guerino Mazzola, Université de Zurich.
 
12:15 - 13:00
Apprentissage statistique appliqués à la musique et au son.
Shlomo Dubnov. Université Ben-Gurion.
 
- 4 décembre après-midi -
 
Aux limites de la formalisation
 
14:00 - 15:00
Logique de l'oeuvre ouverte : Solo de Stockhausen.
Benny Sluchin, ensemble InterContemporain.
Benny Sluchin interprètera, à cette occasion, Solo pour un instrument mélodique avec bouclage de Karlheinz Stockhausen, dans une version préparée pour trombone et électronique live.
 
15:00 - 15:30 Pause café.
 
15:30-16:15
Qu'est-ce qu'une logique musicale ?
François Nicolas, compositeur.
 
16:15 - 17:00
Les mathématiques peuvent-elles stimuler la créativité en musique ?
Jean-Paul Allouche, CNRS.
 
17:00 - 17:30 Pause café
 
17:30- 18:15
Logique et cohérence dans la création musicale
André Riotte, compositeur.
 


Biographies et résumés

 
 
Fomalisation de la logique et problème de la signification
 
Marie-Josée Durand-Richard, Université de Paris 8.
 
Marie-José Durand-Richard (1944) est maître de conférences en épistémologie à l'Université de Paris 8 Vincennes Saint-Denis. Ses travaux portent essentiellement sur l'étude de l'émergence et du rôle historique effectif de l'approche symbolique de l'algèbre en Angleterre, au sortir de la Révolution Industrielle, une approche qui marque aussi bien les avancées d'un Charles Babbage (1791-1871) sur les fonctions logiques d'un calculateur, que celles d'un George Boole (1815-64) sur l'algèbre de la logique.
 
Le mouvement de mathématisation de la logique prend naissance avec l'étude menée par George Boole (1815-64) sur ce qu'il considère comme les lois de la pensée. Il s'enracine dans une réflexion menée en Angleterre dans la première moitié du XIXe siècle, aussi bien à Cambridge du côté des mathématiques qu'à Oxford du côté de la logique, sur la question de savoir laquelle de ces deux disciplines constitue le véritable fondement de toute connaissance, et laquelle permet d'intégrer des connaissances nouvelles. A partir de ces questions se trouve ainsi posée et rendue fonctionnelle l'idée d'une séparation radicale entre une logique des opérations, de nature strictement symbolique, et ses possibles interprétations signifiantes. Dès lors, entre les tenants d'un calcul aveugle et ceux d'une ontologie sous-jacente ne cessera de ressurgir la question du lieu et de la nature de la signification, dont nous suivrons les linéaments jusqu'à notre présent.
 
 
 
Méthodes d'inspiration mathématique dans l'analyse musicale au XXe siècle.
 
Laurent Fichet, I.U.F.M., Toulouse.
 
Laurent Fichet est agrégé et Dr. en musicologie. Il a publié des articles et des ouvrages sur les théories scientifiques de la musique, du XVIIe au XXe siècle, et donné des cours sur ces sujets à l'Université Paris IV-Sorbonne. Il est chargé actuellement des Technologies de l'Information et de la Communication dans l'Enseignement à l'I.U.F.M. de Toulouse.
 
Au vingtième siècle plusieurs méthodes d'analyse de la musique s'inspirent largement de procédés mathématiques. En prenant celles qui semblent les plus à même de fournir des résultats intéressants, nous proposons l'analyse d'un extrait d'une oeuvre (2e Sonate de Boulez) dont la conception semblerait autoriser une telle démarche. La comparaison entre l'apport de ces analyses mathématiques et celui d'une analyse plus intuitive donnera un aperçu nuancé des rapports entre la logique musicale et la logique mathématique.
 
 
 
Où résident les structures ? Questions de niveau dans l'étude de la cognition.
 
Daniel Andler, Université de Paris IV.
 
D'abord formé en logique mathématique (théorie des modèles) à Paris et à Berkeley, Daniel Andler a enseigné les mathématiques dans différentes universités parisiennes avant de passer officiellement à la philosophie. Il est aujourd'hui professeur de philosophie à l'Université de Paris-Sorbonne (Paris IV), et membre du CREA (Centre de recherche en épistémologie appliquée). Il pratique la philosophie des sciences et axe ses recherches sur les sciences cognitives, s'intéressant notamment à leurs fondements et à leurs effets sur la philosophie de la connaissance et sur l'anthropologie philosophique.
 
Lorsque Chomsky se proposa de rendre compte des capacités linguistiques d'Homo sapiens par la possession d'une compétence particulière nommée grammaire universelle, beaucoup s'interrogèrent sur la réalité psychologique d'une telle entité. De manière générale, les schémas explicatifs développés au sein des sciences cognitives sont souvent interprétés de façon instrumentaliste : les calculs et les représentations qu'elles postulent ne sont, pense-t-on souvent, que des outils d'analyse commodes, dépourvus d'existence psychologique ou neurophysiologique. De même, l'ordinateur de von Neumann, ou encore les réseaux de neurones, ne fourniraient au mieux que des métaphores provisoirement commodes pour caractériser le cerveau. Or tel n'est pas le point de vue unanime, ni même dominant, parmi les praticiens de ces disciplines. La question se complique encore lorsque l'on considère la production, par l'appareil cognitif, d'entités manifestement dotées de structures et de dynamiques, telles que le langage, les mathématiques ou la musique. Y a-t-il un rapport entre la forme (statique ou dynamique) de l'appareil productif et la forme de ses produits? A quel niveau de description a-t-on les meilleures chances de saisir ce rapport ?
 
 
 
Ethnomusicologie, ethnomathématique. Les logiques sous-jacentes aux
pratiques artistiques transmises oralement.
 
Marc Chemillier, Université de Caen.
 
Marc Chemillier est ancien élève de l'ENS de Fontenay-aux-roses et du CNSM de Paris, agrégé de musique et docteur en informatique. Ses recherches en informatique musicale portent sur la modélisation des structures de la musique. Il co-dirige avec François Pachet la collection consacrée à l'informatique musicale aux éditions Hermès. Il s'est intéressé plus particulièrement à la musique traditionnelle africaine, et s'est rendu plusieurs fois en Afrique pour des missions d'enregistrement et d'enquête ethnomusicologique.
 
Les musiques de traditions orales ont parfois des structures complexes (par exemple les polyphonies d'Afrique centrale étudiées par Simha Arom). Il est remarquable que ces structures apparaissent dans un contexte privé de l'écriture. D'autres activités des sociétés sans écriture, comme les arts graphiques, les rituels ou les jeux, présentant également des structures parfois très élaborées, ont donné naissance à un courant de l'histoire des mathématiques appelé ethnomathématique, qui s'est donné pour tâche d'étudier leurs aspects mathématiques. La musique partage avec ces activités un point commun : l'esprit humain y donne libre cours à l'exploration d'une logique de règles (règles des jeux de stratégie, règles d'engendrement de motifs décoratifs, règles de combinaisons polyrythmiques, etc.). A partir de quelques exemples empruntés aux dessins sur le sable du Vanuatu et à des répertoires de musique africaine, on envisagera plusieurs questions : comment articuler la description de ces exemples à la reconstitution de l'activité cognitive qui les a produits ? qu'y a-t-il de commun entre ces productions, et l'activité pratiquée dans la civilisation occidentale sous le nom de " mathématiques " ? s'agit-il de variantes d'une même forme universelle d'activité de l'esprit humain, qui prolonge de façon ludique la rationalité élémentaire dont les êtres vivants sont dotés pour leur survie ? dans le cas de la musique, quelle relation ce jeu combinatoire formel entretient-il avec la perception ?
 
Publications :
M. Chemillier, Mathématiques et musiques de tradition orale, H. Genevois, Y. Orlarey (éds.), Musique & Mathématiques, Aléas-Grame, 1997, 133-143.
M. Chemillier, La logique de la longue ligne Vanuatu, conférence au Musée des Arts d'Afrique et d'Océanie, 30 octobre 1997 (http://www.info.unicaen.fr/~marc/publi/vanuatu/ ephemere.html).
M. Ascher, Mathématiques d'ailleurs, traduction et postface K. Chemla, S. Pahaut, Seuil, 1998.
 
 
 
Musicologie cognitive et logique des images musicales
 
Marc Leman, Université de Gand.
 
Marc Leman est responsable de recherche aux Fonds pour la Recherche Scientifique, et professeur à l'Université de Ghent. Il est directeur de l'Institut de Psychoacoustique et de Musique Electronique, directeur de la Société de Recherche pour la Fondation de la Recherche Musicale (parrainée par la FWO), et éditeur en chef du Journal of New Music Research (publié par Swets & Zeitlinger, Pays Bas). Sa recherche s'intéresse surtout aux fondements épistémologiques et méthodologiques de la musicologie cognitive et systématique.
 
Le but de la musicologie cognitive est de comprendre la nature du traitement de l'information musicale et de l'imagination dans la composition, l'écoute et l'interprétation. Le choix d'un système de description qui soit adéquat est particulièrement pertinent. Les approches cognitives des années soixante-dix ont pris la logique formelle (proposition et prédicat) comme système de base pour des descriptions représentatives. Bien que ses hypothèses aillent assez bien avec l'ontologie de la théorie de la musique classique basée sur la "note" ou la "partition", cette approche a été critiquée [1,2] car elle fait des revendications qui ne sont pas réalistes sur la nature du traitement de l'information musicale. L'approche naturaliste est basée sur une théorie physique et psychologique du traitement de l'information chez l'être humain [2,3]. Nous affirmons qu'une logique musicale peut être développée en termes d'une logique d'images musicales. Ces dernières peuvent être conçues comme des représentations d'une activation des neurones. La logique formelle peut être utilisée comme un système de description à méta-niveaux pour une clarification du traitement sous-jacent pour de telles images. Nous présentons une structure qui incorpore une logique d'images musicales, utile pour notre compréhension de la perception de la musique. Si la perception est une base pour la composition et l'interprétation, alors cette logique devrait aussi être pertinente pour la création musicale.
 
Références :
[1] M. Leman, Adequacy criteria and models of musical cognition, in J.N. Tabor (ed.), Otto Laske: Navigating new musical horizons, Westport, CT: Greenwood Publ. Comp., 1999, (ISBN 0-313-30632-X)
[2] M. Leman, Naturalistic approaches to musical semiotics and the study of causal musical signification, in I. Zannos (ed.), Music and Signs -- Semiotic and Cognitive Studies in Music, ASCO Art & Science, Bratislava, 1999 (ISBN 80 - 88829 - 15 -4)
[3] M. Leman (ed.) Music, Gestalt, and Computing -- Studies in Systematic and Cognitive Musicology, Springer-Verlag, 1997 (ISBN 3-540-63526-2).
 
 
 
Musique et Lambda-Calcul
 
Yann Orlarey, GRAME, Lyon.
 
Compositeur et chercheur, directeur du département Recherche de Grame, Lyon, France.
 
Bien que développé initialement dans les années 30 comme une étude des propriétés générales des fonctions mathématiques, le Lambda-Calcul constitue aujourd'hui l'un des fondements théoriques de l'informatique. Depuis les travaux de McCarthy et de Landin dans les années 60, le Lambda-Calcul a eu une influence considérable sur la conception et l'implémentation des langages de programmation, en particulier des langages fonctionnels. Dans le domaine de l'informatique musicale, si le langage LISP a été à la base de nombreux travaux, le Lambda-Calcul n'a été, jusqu'à une période récente, que peu exploité directement. L'exposé se propose de montrer de quelle manière le Lambda-Calcul, et en particulier les notions d'abstraction et d'application, peut intervenir dans la description de notions musicales, de structures formelles et de processus compositionnels, et comment il peut être à la base de nouveaux outils informatiques d'aide à la composition musicale.
 
 
 
Théorie des topos et logique musicale
Guerino Mazzola, Université de Zurich.
 
Guerino Mazzola est né en 1947, est diplômé en mathématiques, physique théorique, et cristallographie de l'université de Zurich. Après des études post-doctorales à Paris et à Rome, passe sa thèse d'état en géométrie algébrique et en théorie de la réprésentation, en 1980.
De 1980 à 1989, développe la théorie mathématique de la musique, et le logiciel de composition PRESTO.
De 1984 à 1986, est directeur de l'exposition symétrie de Darmstadt.
De 1986 à 1988, reçoit une bourse SNSF pour une étude en profondeur sur les EEG et la perception musciale.
De 1996 à 1999, est professur associé à l'Université Laval (Québec).
Maître de conférence au ETH de Zurich, à l'Université de Zurich et de Vienne.
Consultant au TU de Berlin, consultant Internet aux Universités suisses, et expert auprès du Conseil Scientifique Suisse.
Auteur de plus de 80 articles scientifiques, et de 8 livres sur arithmétique, topologie, théorie des catégories, géométrie algébrique, théorie mathématique de la musique, recherches sur le cerveau, infographie, théorie de la représentation, informatique musicale, politique du web. En tant que pianiste de jazz contemporain, Guerino Mazzola a publié dix LPs et CDs. Actuellement il achève son livre " Topos of Music " co-signé de 13 auteurs.
 
La logique de la composition musicale, de la représentation, de l'analyse, et de la performance ont en commun des structures de base importantes qui peuvent être décrites à l'aide de la géométrie algébrique functorielle de Grothendieck et dans la théorie des topos de la logique de Lawvere. Nous donnerons un aperçu de ces connexions théoriques, et discuterons et illustrerons leur formalisation et leur implémentation dans les logiciels musicaux.
Trois résultats sont particulièrement intéressants dans ce contexte : premièrement : l'idée cruciale de Grothendiec selon laquelle " un point est un morphisme " appliquée à la musique ; fondamentalement, les entités musicales sont des transformations plutôt que des constantes. En second lieu, il s'avère que les concepts musicaux ont en commun un fort caractère circulaire, signifiant que les espaces d'objets musicaux sont souvent définis de façon auto-référencée.
Troisièmement, la géométrisation topos-théorique de la logique musicale implique un caractère progressivement géométrique de toutes les interactions rationnelles avec la musique, en particulier dans leur implémentation sous la forme d' interfaces graphiques.
 

 

Apprentissage statistique appliqués à la musique et au son.
 
Shlomo Dubnov, Maître-assistant , Université de Ben-Gurion, Negev Beer-Sheva, Israel.
 
Shlomo Dubnov a étudié le piano et la composition à l'Académie Rubin de Jérusalem. Il obtient son PhD en informatique à l'Université Hebrew et, durant les années 1996-98, a travaillé à l'Ircam comme chercheur invité. Il a reçu, à l'ICMC, le meilleur prix pour son papier portant sur sa recherche : l'analyse statistique du timbre musical. Les oeuvres musicales de Dubnov ont été présentées aux JIM, à l'ICMC et aux Portes Ouverts de l'Ircam. Aujourd'hui, S.Dubnov est responsable du Programme Multimédia, au Département " Communication Engineering " de l'Université Ben-Gurion, Israel.
 
De nombreux aspects de la structure musicale sont impossibles à définir formellement. Néanmoins, la musique et le son font apparaître une quantité importante de structure et de redondance. Dans l'exposé, je décrirai l'utilisation de la théorie de l'information pour la reconnaissance de ces structures cachées en considérant, de façon spécifique, les relations et les dépendances qui existent entre les paramètres musicaux dans le matériau musical et sonore en question. Il est important de noter le lien étroit qui existe entre la redondance, la compression, la prévision et la classification.
Si nous savons découvrir les configurations redondantes, nous pouvons également représenter la musique de façon plus compacte et aussi créer de nouvelles séquences de musique ou de son, avec une redondance typique semblable.
Dans l'exposé, je présenterai des applications des méthodes d'étude statistiques pour la classification et la production des structures musicales et sonores.
Divers résultats, tels que la modélisaton de la voix mélodique et polyphonique, la génération de séquences d'accords de jazz, et l'étude statistique de la synthèse granulaire (textures sonores) seront démontrés.
 
 
Solo de Stockhausen
 
Benny Sluchin
Trombone
 
Il effectue ses études musicales au Conservatoire de Tel Aviv, sa ville natale, et à l'Académie de musique de Jérusalem. Parallèlement aux cours de trombone, il étudie les mathématiques et la philosophie à l'Université de Tel Aviv et obtient un "Master of Science" avec mention. Il joue d'abord à l'Orchestre Philharmonique d'Israël pendant deux ans avant d'occuper, pendant quatre ans, le poste de co-soliste à l'Orchestre Symphonique de Jérusalem (Orchestre de la Radio). Une bourse du gouvernement allemand le mène à Cologne où il travaille avec Vinko Globokar et obtient son diplôme d'artiste avec mention.
 
Depuis 1976 il fait partie de l'Ensemble Intercontemporain, y joue les uvres les plus représentatives du répertoire contemporain et participe à de nombreuses créations de pièces solistes (Iannis Xenakis, Vinko Globokar, Gérard Grisey, Pascal Dusapin, Frédérick Martin, Elliott Carter, Luca Francesconi, Marco Stroppa, James Wood). Parallèlement, il prend part aux recherches acoustiques de l'Ircam et achève une thèse de Doctorat en mathématiques in 1982. Il est l'auteur de plusieurs articles et ouvrages pédagogiques, notamment Contemporary TromboneExcerpts et Jeu et chant simultanés sur les cuivres (Éditions Musicales Européennes), primés par le prix de la SACEM 1996 de la réalisation pédagogique. Professeur au Conservatoire de Levallois et enseignant au Conservatoire de Paris (Notation musicale assistée par ordinateur), Benny Sluchin donne des master-classes et des conférences dans le monde entier. Parmi ses enregistrements : Le Trombone Contemporain, French Bel canto Trombone (Musidisc), Xenakis - Keren (Erato), Berio - Sequenza V (Intégrale des sequenzae chez DGG).
 
Solo pour un instrument mélodique avec bouclage , composé en 1996 par Stockhausen, exploite la notion de feedback, par laquelle un musicien transforme ce qu'il entend, et qu'il a éventuellement lui même produit, d'après des instructions qui lui ont été données. C'est une polyphonie pour instrument monodique dans laquelle des figures liées au souvenir, et produite par enregistrement , transformation et réinjection en temps réel, se superposent et s'entremêlent. Ce n'est plus alors un objet, mais un processus d'élaboration structurelle qui est donné à percevoir, et la logique compositionnelle intègre (et contraint) la logique d'éxécution du soliste. La préparation par le soliste de la version de Solo à jouer induit des problèmes combinatoires complexes, car il doit à la fois tenir compte des contraintes formelles indiquées par Stockhausen, et des effets mémoriels provoqués par les réinjections.
 
(d'après B. Sluchin)
 

 

Qu'est-ce qu'une logique musicale ?
 
François Nicolas, compositeur.
 
Ancien élève de l'École Polytechnique et diplômé de philosophie, François Nicolas est compositeur. Après avoir dirigé la revue Entretemps, il fonde les éditions du même nom et s'associe à la Revue de Musicologie. Il est actuellement compositeur en recherche à l'Ircam.
Parmi ses dernières publications : Les enjeux du concert de musique contemporaine (CDMC), Quelle unité pour l'oeuvre musicale ? Une lecture d'Albert Lautman (Horlieu), La Singularité Schoenberg (Ircam l'Harmattan).
Parmi ses oeuvres récentes : Dans la distance (commande de l'Ircam), Transfiguration (commande de l'Université de Corfou), La Ballade de Maldoror (commande du groupe X-Musique), Veränderung (commande de Radio France).
 
Si l'on retient trois acceptions philosophiques de ce qu'est une logique mathématique (une grammaire / une fabrique de tautologies / une consistance de l'apparaître), on peut identifier ainsi leurs résonances dans le champ musical : la logique musicale serait, au choix, la syntaxe du langage musical, la cohérence des grandes Formes musicales, ou la consistance propre de ce que veut dire musicalement qu'entendre.
On soutiendra qu'en musique logique se dit traditionnellement dialectique et qu'il en est alors deux lieux de déploiement :
le "monde" de la musique en sa globalité : d'où les logiques du topos musical qui se nommeront dialectiques de l'oeil et de l'oreille (plus techniquement : dialectiques de l'écriture et de la perception) ;
le lieu que chaque oeuvre musicale circonscrit à sa manière propre : d'où les logiques à l'oeuvre qui articulent le dire de l'oeuvre à un devoir-dire spécifique (plus techniquement : dialectiques de développement, déploiement, variations) et qui structurent d'un côté l'audition de la Forme singulière de l'oeuvre, et de l'autre - dans une approche moins "totalisante" de l'oeuvre - l'écoute de sa subjectivité singulière (sa stratégie, ses enjeux, son procès).
Sous ces différentes hypothèses, on explorera quelques grands types de dialectique musicale ayant opéré au cours du XXe siècle, en tentant de les faire dialoguer avec diverses orientations de la logique mathématisée.
 
 
 
Les mathématiques peuvent-elles stimuler la créativité en musique ?
 
Jean-Paul Allouche, CNRS.
 
Jean-Paul Allouche, ancien élève de l'ENS de Saint-Cloud, agrégé de mathématiques et docteur d'État en mathématiques, est Directeur de recherche de deuxième classe au CNRS, au Laboratoire de Recherche en Informatique d'Orsay (Université Paris XI). Il travaille sur des problèmes à la frontière entre théorie des nombres et théorie des langages.
 
Alors que les affirmations traditionnelles - en général prononcées par des mathématiciens non musiciens - sur les prétendus rapports étroits entre mathématiques et musique me semblent le plus souvent des lieux communs sans profondeur ni vérité, je respecte plus volontiers la démarche de ceux des compositeurs qui utilisent des "outils" mathématiques.Ceux dont j'ai essayé de comprendre le travail ou avec lesquels j'ai collaboré se divisent à peu près en deux catégories. Pour les uns les mathématiques sont pourvoyeuses d'analogies. Leurs créations inspirées par tel ou tel concept mathématique s'en affranchissent s'ils le jugent nécessaire et les mathématiques sont un cadre et un catalyseur mais jamais un carcan. Pour les autres, parfois explicitement minimalistes, la logique de la pièce est inséparable de l'outil algorithmique qui a aidé (présidé ?) à sa composition. Nous essaierons de confronter cette classification au travail de compositeurs comme Marcel Frémiot et Tom Johnson, et d'esquisser une réflexion vers les risques de perversion du langage scientifique (un peu dans la direction de Sokal et Bricmont).
 
 
 
Logique et cohérence dans la création musicale
 
André Riotte, compositeur.
 
Ingénieur, André Riotte a reçu une double formation, musicale et scientifique. Il a étudié la composition avec André Jolivet et l'analyse avec Olivier Messiaen et Jean Barraqué. Il a travaillé dix ans (1961-71) en Italie dans un centre de recherches européen, où il animait aussi la vie culturelle pour les 1200 scientifiques. Il a enseigné la formalisation des structures musicales à l'Université Paris 8, puis dans le cadre du DEA Musicologie du XXe siècle. Parmi ses oeuvres, Anamorphoses, pour baryton et formation de chambre, Multiple, quatuor à solutions multiples, et La Bibliothèque de Babel pour choeurs et orchestre d'après Borgès. Il est Vice-Président de la Société Française d'Analyse Musicale et rédacteur en chef de la revue Musurgia.
 
Aucune théorie de la forme ne pourra couvrir la totalité des oeuvres à venir. Selon leur formation et leurs penchants, les créateurs oscillent entre rigueur et liberté ; toute rigidité non vécue dans la démarche des compositeurs restreint la portée de leurs oeuvres. On tentera de définir la cohérence comme un critère plus large de qualité, non contradictoire avec la notion de liberté.
 

Quatrième Forum Diderot - Ircam, Paris 3-4 décembre 1999.
 

Renseignements

 

 

Ircam, Direction Scientifique
 
Florence Quilliard : 01 44 78 48 09
Florence.Quilliard@ircam.fr
 

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