Sculpture informatico-musicale

Stéphane Rideau, informatique; 2, Rue de Strasbourg 92600 Asnières. Tel : 40 86 12 02.

Frédéric Drouillon, musique; 8, Rue Robert Houdin 75011 Paris. Tel : 47 00 63 80.

Résumé : La sculpture informatico-musicale désigne un travail sur la forme dont la spécificité est de ne pas modéliser un système existant, ni de se référer du point de vue musical à l'écriture ou à la synthèse. La forme résulte ici de plusieurs niveaux de dynamique croisés et interdépendants. Elle est un moteur informatique capable de générer des structures dans le temps et sur lesquelles il est possible d'interagir, sans que le processus soit livré au hasard ou contrôlé par des clauses de géométrie. Ce moteur est dit "morpho-fonctionnel" ou "morpho-génétique". C'est un générateur de cohérence qui fonctionne pour lui-même et se trouve au départ dégagé de toute autre fonctionnalité. L'hypothèse que nous défendons est que l'ensemble des dynamiques d'une forme créée, selon le degré de complexité du fonctionnement interne de la forme, produit une expression sensible à l'interaction, et qu'à cette expression et cette interaction peut nécessairement correspondre une organisation de données. Notre recherche musicale porte ainsi sur le sens sonore que l'on peut découvrir, et sur la praxis que l'on peut déduire d'un tel moteur morpho-génétique.

1. Introduction

Chercheur dans le domaine de la gestion automatique des données, Stéphane a tout d'abord programmé ses "matrices cellulaires" à partir d'une réflexion sur les réseaux neuronaux et la morphogenèse. Ce programme est devenu un véritable Golem, rebelle à toute application dans l'espace hypertextuel auquel il était destiné. Le programme "fonctionne" en dehors de toute utilité, comme une oeuvre d'art, malheureusement très rébarbative pour les non-initiés. Sa conception profondément originale présente des caractéristiques tout à fait surprenantes et intéressantes que j'ai proposées, en tant que compositeur de "sonoriser" et d'explorer sur le plan musical. Ce travail a commencé au mois de Novembre 1995. Il se traduit par deux programmes successifs. Seul le second, plus accompli est présenté ici. Nous sommes conduits entre prédictible et imprédictible, dans un espace de "morpho-fonctionnalité" qui résulte du croisement de plusieurs dynamiques simultanées. Les applications musicales ont été dégagées de l'observation du programme. La première idée, la plus simple et immédiate, est une animation d'objets sonores. Des échantillons sont répartis dans un espace et la forme mise en oeuvre les déclenche au fur et à mesure de son développement. Le programme ne pilote actuellement qu'une seule piste mais nous pouvons l'étendre à sept. En fait, les modalités de cette mise en oeuvre se complexifient en fonction des résultats obtenus et de notre projection dans l'imaginaire qui s'enrichit. Par exemple nous souhaitons également la multiplication de formes animées en plusieurs dimensions, auxquelles correspondent des données midi. La sculpture informatico-musicale, c'est à dire le programme devenu événement de spectacle vivant, pourrait également répondre à des mouvements externes dans un espace, par exemple les déplacements d'un public dans une salle. Une interaction avec un orchestre de musiciens serait un enjeu interessant.

Somme toute il est question d'une oeuvre d'art purement informatique au départ, mais interfacée sur le plan artistique sonore et visuel de façon à ce qu'un public non initié puisse l'appréhender. Cette mise en oeuvre informatique interroge la conception de l'informatique, son inspiration et ses aspirations, ses croyances et ses rituels. L'idée d'une "mise en scène" musicale interroge tout autant. Vraisemblablement, le cadre conceptuel de la musique contemporaine est propice à la conquête d'une informatique artistique. Le premier "objet instrumental" que nous proposons est à l'intersection informatique-musique. Mais plus largement, une réflexion sur le sens de l'interactivité entre utilisateurs et programmes est évoquée. Cet enjeu parait important pour les développements à venir, et ce travail, de ce point de vue, a une indirecte vocation critique.

La première partie donne un ensemble de définitions qui cadre le projet et nos préoccupations actuelles. La deuxième décrit les premiers résultats auxquels nous sommes parvenus et tente de réfléchir l'inspiration qui s'en dégage.

2. Définition du projet

La sculpture informatico-musicale est un projet à deux niveaux. Celui de l' "objet instrumental" qui est un programme informatique musical, et celui de la sculpture informatico-musicale, qui suppose un événement dans l'espace réel, par exemple une borne interactive (un projet de sculpture est présenté au paragraphe 2.3.2). L'objet instrumental procède d'une recherche informatique sur des systèmes "morpho-fonctionnels" et d'une conception de la composition musicale proche des "concrets" et des arts plastiques. La sculpture informatico-musicale est interactive, dans un lieu d'exposition. Elle projette sur écrans le fonctionnement visuel du programme et éventuellement, réagit en fonction des mouvements d'un public dans une salle. Le son peut être spatialisé et des musiciens interagir en directe avec elle. La première phase de notre travail porte sur la création d'objets instrumentaux.

2.1 Objet instrumental

La définition de l'objet instrumental que nous proposons est la suivante : l'objet instrumental est le produit d'un croisement de deux mises en scène, celle de l'informatique dans la musique et celle de la musique dans l'informatique, toutes deux animées par un état d'esprit commun.

2.2 Interaction informatico-musicale

La musique peut "inspirer" une recherche informatique sans pour autant que l'objectif à atteindre soit musical. Mais cette recherche informatique se faisant musicale peut à son tour "inspirer" une musique spécifique et une recherche musicale. Ainsi deux recherches peuvent se conjuguer en une seule : l'objet instrumental. Objet, parce qu'il est informatique _ recherche sur des systèmes "morpho-fonctionnels" _ et instrumental parce qu'il est musical. Mais aussi, objet parce qu'il désigne la composition d'une musique spécifique, et instrumental parce que d'autres ressources et valeurs que musicales peuvent être adressées aux formes mises en mouvement. Ainsi l'objet instrumental décrit une interaction, et cette interaction est le fait de la relation entre deux champs conceptuels à travers deux personnes. L'interaction se traduit par une histoire tâtonnante qui soulève un certain nombre de questions informatiques, musicales et artistiques. La sculpture informatico-musicale énonce la relation, elle tente de publier ces questions, elle se fait critique de l'interaction "utilitaire". L'interaction est ici un matériel pour réfléchir, ressentir, rêver, penser, organiser, qui ne se réduit pas à une production standardisée.

2.3 Perspectives

2.3.1 Recherche et productions

Le concept informatique envisagé est de penser des formes abstraites, gratuites d'un point de vue extérieur au programme, cohérentes et dotées d'une ou plusieurs dynamiques internes. De réfléchir à la manière dont elles sont représentées, ainsi qu'aux ressources qui peuvent leur être attribuées, aux fonctionnalités que l'on peut en déduire. De concevoir un langage de programmation (ou une interface) fondé sur la manipulation de formes élémentaires. Une sorte d'alphabet de formes combinables entre elles, par exemple inspiré du Yi King, et non plus des valeurs strictement numériques et calculatrices. Nous souhaitons travailler avec des mathématiciens. D'un point de vue musical, dans cet espace il y a le rapport au temps, à la forme, à la structure, aux objets sonores et musicaux. L'objet instrumental est intuitif, il n'est pas technique dans son essence. Il fonctionne avec l'imagination d'applications nouvelles, la compréhension d'énigmes dans les résultats obtenus, et la découverte de musiques difficiles à concevoir autrement. De façon très concrète, il s'agit de conquérir une intention d'écoute [Schaeffer 1966] et d'aller à la rencontre du public.

Les objectifs que nous poursuivons sont de continuer la recherche, de perfectionner notre premier objet instrumental, d'en concevoir de nouveaux à travers l'expérience acquise petit à petit, d'élargir notre activité jusqu'à l'accomplissement de sculptures informatico-musicales présentées à un public. Les moyens auxquels nous pensons sont expositions, bornes interactives, participation à des concerts (musique mixte), intervention dans une mise en scène de théâtre, mais aussi compositions spécifiques travaillées en studio et réalisation de cd plus.

2.3.2 Exemple de sculpture

De la glace glissante de la pure logique... au sol raboteux du langage ordinaire [Malherbe 1981].

Le thème porte sur une mise en scène de la philosophie analytique à travers Wittgenstein : Assurément, si de l'eau bout dans un pot, la vapeur sort du pot et de même l'image de la vapeur sort de l'image du pot. Mais comment, pour ainsi dire, quelque chose devrait-il bouillir dans l'image du pot ? [Wittgenstein 1953].

La partie sonore de l'oeuvre restitue, en fonction des contraintes spécifiques de l'objet instrumental décrites et analysées au paragraphe 3, des objets musicaux [Schaeffer 1966] mais aussi des éléments choisis du Tractatus logico-philosophicus [Wittgenstein 1922] et des investigations philosophiques. Le texte est soumis à une interprétation par des comédiens et comédiennes en fonction de deux critères de Wittgenstein lui-même : représenter un langage, c'est représenter une forme de vie (...) Le langage est un labyrinthe de chemins. vous venez par un côté et vous vous y reconnaissez; vous venez au même endroit par un autre côté et vous ne vous y reconnaissez plus. L'objet instrumental est partie prenante des arts plastiques. Un peintre intéréssé par le sujet propose d'encastrer l'ordinateur et des écrans de différentes tailles dans une composition. Il modifie avec nous l'interface visuelle du programme en conséquence.

Ainsi, la sculpture obtenue mèle enquète philosophique, recherche informatique, musicale, travail sur la voix et intonation des comédiens, représentation acousmatique et arts plastiques. Elle réactive par jeu le mythe d'un "art total" et suppose un sens sur le mode épistémologique.

3 Point et ligne sur plan morpho-fonctionnel

L'originalité de la conception informatique est de proposer une recherche sur la représentation morphologique de données et la fluctuation de formes, qui soient déconnectées des contenus qu'elles représentent. Il s'agit de dé-normaliser le rapport au contenu. De fait, les résultats obtenus n'ont aucun rapport pratique, au sens usuel du terme, avec le moindre contenu. Et c'est là quelque chose qui présente de l'intérêt sur le plan artistique. Kandinsky doit se réjouir d'une telle informatique non figurative entièrement libérée dans ses formes et sous la pression constante d'une nécessité intérieure, voire d'une aspiration de l'âme [Kandinsky 1912]. Mais également, il s'agit d'une perspective de recherche qui peut intéresser la science et les mathématiques, en contribuant à développer de nouveaux outils informatiques, si l'on admet avec Ilya Prigogine que la science d'aujourd'hui ne peut plus se donner le droit de nier la pertinence et l'intérêt d'autres points de vue, de refuser en particulier , d'entendre ceux des sciences humaines, de la philosophie, de l'art [Prigogine 1979].

Le principe dynamique de l'objet instrumental traduit ce que représente pour nous actuellement, le concept de morpho-fonctionnalité. Les paramétrages musicaux que nous avons conçus témoignent de résultats tâtonnants auxquels nous sommes arrivés. Une première idée de la forme informatique se manifeste. Pour finir la mise en évidence de quatre différents rapports au temps domine notre analyse musicale. Temps "numérique", temps "historique", temps "fragmenté", temps intérieur de la profondeur.

3.1 Morpho-fonctionnalité, objet instrumental

3.1.1 Principe dynamique

Indépendant de toute affectation de ressources sonores ou autres, le principe du fonctionnement est un "moteur" qui articule entre eux, sur trois plans différents, trois niveaux de dynamique. Ils s'expriment dans le temps par le développement d'une forme, divisée en un nombre de cycles paramétrables dans l'interface.

Premier plan, la matrice contient les cellules. C'est le cadre général à l'intérieur duquel s'exerce la totalité dynamique. Il occupe la majeure parti de l'écran. Second plan, les cellules, représentées par des "0" verts. Elles sont articulées entre elles. Elles décrivent des images par une succession d'instantanés et tout à la fois une forme structurée dans la durée. Troisième plan, l'intériorité de chaque cellule est un ensemble de 9 points auxquels sont attribuées des valeurs numériques. Ils sont répartis sous la forme d'un carré de 3 sur 3 qui n'est pas accessible au regard. Le système est initialisé en créant une, ou plusieurs cellules n'importe où dans la matrice (clic-souris). Au point central de chaque cellule est alors conférée arbitrairement une valeur numérique de dix.

Le premier niveau de dynamique est interne à la cellule. il est assuré par une loi de propagation. Chaque point propage la racine du dixième de sa valeur sur chacun de ses voisins, y compris les diagonales, selon un balayage horizontal de haut en bas du carré. Le point nouvellement modifié va propager lui-même une nouvelle valeur, modifiant ainsi la valeur des points qui viennent de le modifier. Il y a donc toujours un phénomène d'influence et de retour d'influence. Le point central intervient dans toute les combinaisons. Un seuil de mort est décidé dans la fenêtre des paramètres. Lorsque la valeur interne d'une cellule dépasse ce seuil, la cellule qui était verte devient rouge et disparaît au cycle suivant.

Le deuxième niveau de dynamique concerne l'apparition de nouvelles cellules dans le plan matrice. Une cellule apparaît systématiquement à chaque position dans la matrice qui répond à une clause d'environnement choisie dans la fenêtre des paramètres. Il y a trois clauses possibles. ZÉRO signifie que chaque position, dans la matrice, qui n'a pas de cellule voisine, produit une cellule. Tout ce qui était noir à l'écran se recouvre de cellules (inversion vidéo). UN signifie que chaque position dans la matrice, qui a une cellule voisine, produit une cellule nouvelle. Les formes se développent de façon cubique, en grande diversité de carrés. DEUX signifie que chaque position dans la matrice qui a deux cellules voisines, produit une cellule nouvelle. Il y a alors un développement de figures géométriques.

Le troisième niveau de dynamique est la valeur numérique qui est attribuée aux cellules nouvellement créées. Cette initialisation est définie ainsi : le point central d'une cellule nouvelle est la moyenne des points centraux des cellules adjacentes.

La mise en oeuvre de l'ensemble du système est décomposée en un nombre de cycles qui est paramétrable. Chaque cycle est d'une part, l'affichage de la configuration obtenue au cycle précédent, et d'autre part, en parallèle, la mise à jour des différents niveaux de dynamique, c'est à dire le calcul de ce que sera l'affichage du cycle prochain. Les cellules dont la valeur interne dépasse le seuil de mort disparaissent au cycle suivant, mais elles sont affichées en rouge pendant le cycle en cours.

Ainsi, les mouvements de disparition et d'apparition des cellules dans l'espace de la matrice définissent, pour chaque cycle une image qui se renouvelle au cycle suivant. Tous les éléments constitutifs du système sont en interaction. Un tout évolue dans le temps. Chacun des éléments peut représenter une ressource et contribue au fonctionnement du système. C'est pourquoi le système est baptisé de "morpho-fonctionnel" : une forme se développe du fait de l'activité de ses composants auxquels des ressources de différentes natures sont assignables. Cette complexité de la structure dynamique, intercroisée sur trois niveaux, produit un phénomène imprédictible et irréversible. Mais le phénomène n'est pas aléatoire. A configurations de départ égales il est reproductible. S'il est impossible de prédire son développement, il est en revanche possible de pressentir et de saisir une cohérence intérieure de la forme qui évolue. Notre premier objet instrumental est situé dans l'intervalle entre déterminé et indéterminé. Il est appréhendé d'un point de vue intuitif et inconscient, de façon instinctive [Helmut Lachenmann 1993]

Nous avons remarqué qu'il n'y avait jamais de géométrie apparente ni de symétrie dans les cellules rouges détruites. Pourtant, si (et seulement si) la configuration d'initialisation possède une géométrie, le système retombe de façon systématique sur une configuration géométrique, or la géométrie n'est pas l'objet d'une clause explicite dans le programme. Il n'y a ni clause qui vérifie l'aspect symétrique du développement ni fonction de vérification de la géométrie. Il y a donc une sensibilité aux conditions initiales. L'information portée de façon topologique, au départ, est maintenue dans le développement de façon implicite. La géométrie initiale continue à se développer, conserve les paramètres de géométrie par un effet du fonctionnement systémique.

3.1.2 Paramétrages musicaux

Le principe dynamique de la matrice cellulaire est récupéré sur le plan sonore selon deux critères : la répartition des cellules dans la matrice et leurs valeurs internes. Actuellement les sons ne peuvent être que des échantillons, préalablement travaillés, et localisés par un numéro d'identification dans un bloc de ressources. Il n'y a pour l'instant qu'une seule voix possible et deux échantillons différents ne peuvent pas se superposer. Notre idée a été de concevoir un masque de sonorités afin de répartir géographiquement des sons dans l'espace de la matrice. Ce masque se présente sous la forme d'une grille de 2700 cases accessibles. Lorsque la "grille" est affichée, on désigne les cases où l'on souhaite affecter des objets sonores en cliquant dessus. Chacune d'entre elles propose d'indiquer le ndeg. d'identification de la sonorité désirée. Cette opération terminée, il reste à décider du seuil de sonorité, c'est à dire de la valeur centrale minimum qu'une cellule doit atteindre pour être sonorisable. Lorsque, dans la matrice, la dynamique est lancée, les cellules jouées passent en bleu. Le bleu indique une valeur centrale de la cellule supérieure au seuil de sonorité qui coïncide dans l'espace de la matrice, à une case de la grille où est localisé un son.

Trois autres paramètre complètent cette figure. La possibilité de "mute" (la dynamique est sonore ou pas), un "delay" sur sonorisation (sonore à partir de x cycles et pendant x' cycles), on peut décider du sens de la lecture (horizontal ou vertical).

3.2 Première définition de la forme

La réalisation de ce programme nous découvre une possibilité de définition de la forme, explorable dans le champ informatique : "la forme est une irrégularité par rapport à un référent continu". Et ce sens évoque la théorie des descriptions de Russell : signifier c'est référer [Russell 1905]. Soit une feuille de papier, un trait est tracé dessus, il est une irrégularité par rapport à la feuille considérée comme référent continu. Le trait peut lui-même comporter des irrégularités et être considéré comme un référent continu qui permette de les identifier, et ainsi de suite selon un processus d'enchâssement et de changements de plans. La difficulté est de percevoir les niveaux supérieurs de l'enchâssement. Les plans immédiatement au-dessus s'il ne sont pas donnés, n'apparaissent pas de l'intérieur de la forme. La forme prend sens dans un référent continu indépendamment de ses propriétés physiques; la forme en tant que telle signifie. Nous pouvons considérer le référent continu de niveau supérieur comme un plan originel qui est l'espace informatique appelé à porter son contenu de formes. Il est nécessairement défini arbitrairement comme un être autonome dans le domaine de son entourage [Kandinsky 1928]

La comparaison du référent continu avec la vision de Kandinsky du plan originel recouvre également ce qu'il contient, c'est à dire l'irrégularité que représente la forme, elle-même référent continu d'autres irrégularités etc... tout espace à l'intérieur du plan originel est individuel avec sa sonorité propre et sa coloration intérieure. Dans cette perspective de peintre, l'informatique suggère une perception de l'utilisateur, c'est à dire un rapport d'extériorité et d'intériorité comme celui de ce spectateur : Son oeil peut posséder la capacité de voir l'extérieur, ou l'intérieur, ou même les deux à la fois : si l'oeil peu exercé (et cela dépend du psychisme) ne peut percevoir la profondeur, il ne saura pas non plus faire abstraction de la surface matérielle pour ressentir l'espace indéfinissable. Le programme "figure" comme une toile la forme qui "signifie". La forme existe dans sa "matérialité", elle se définit par rapport à un référent continu qui lui-même existe dans sa matérialité : c'est le programme dont on dispose sur disquettes. Mais si le programme "figure" comme une toile, comme elle il peut se dématérialiser au profit d'une vision intérieure, il peut être appréhendé dans l'espace né d'une dématérialisation.. Kandinsky désigne cet espace comme indéfinissable, parce qu'il ne peut pas être mesuré matériellement, en particulier le temps ne peut pas trouver une expression numérique et ne pourra agir que de façon relative. Le temps, dans cette dimension spirituelle, est ce qui nous est nécessaire pour suivre les éléments qui se dirigent vers la profondeur. Kandinsky déduit que le passage du plan originel matériel en un espace indéfinissable permet l'accroissement de la notion de temps. Or c'est précisément ce qu'il y a de plus étonnant dans le programme. L'objet musical que nous avons conçu accroît à nos yeux la notion de temps musical.

3.3 Le temps des peintres

Lorsque nous avons décidé de sonoriser un premier principe dynamique morpho-fonctionnel, nous souhaitions mettre en évidence sa forme temporelle par un signal sonore, et saisir, un temps donné, son développement. Nous voulions une traduction temporelle de la dynamique qui projette l'objet informatique hors de ses calculs, sur un autre plan. Nous voulions étudier le programme et essayer de mieux le comprendre. De ce jeu est né l'objet instrumental qui nous pose deux questions fondamentales : quel peut être le rapport au temps d'un objet informatique, d'un programme ? Et en retour, qu'en est-il, dans ce contexte, du temps musical ?

3.3.1 Temps informatisé, art programmé

La définition du temps est une préoccupation scientifique cruciale dans notre culture d'aujourd'hui. Ivar Ekeland expose trois modèles. Celui d'un univers clos, régis par un déterminisme strict, où l'écoulement du temps n'apporte rien de nouveau, rien que l'on ne sache déjà, et que l'on aurait pu prédire de toute éternité. Celui d'un univers ouvert, où le temps est insaisissable (...) l'écoulement du temps une succession d'états, indépendants dans une large mesure, si bien que les traces du passé s'estompent très vite, et que chaque instant apporte quelque chose de fondamentalement nouveau par rapport au précédent. Et une sorte d'entre deux, illustré par la théorie des catastrophes de René Thom : reconnaître quelques formes types, dont le flot du temps pourra nous apporter d'autres exemplaires. (...) des formes où l'on pourra reconnaître des résultats classiques comme des situations nouvelles, établissant ainsi entre des phénomènes apparemment très éloignés dans le champs de l'expérience des relations imprévues et d'autant plus exaltantes [Ekeland 1984].

Ces trois figures du temps nous les interprétons et les rebaptisons. Le temps "numérique", informatisé, est le temps vide, somme toute immobile parce qu'il ne contient aucun développement. C'est le modèle du temps dans un univers clos. Le temps "historique" à l'inverse se raconte à travers une succession d'événements imprédictibles. C'est celui d'un univers ouvert. Le temps "fragmenté" où des pans de temps numérique dérivent à l'intérieur d'un temps historique comme les blocs de glace de la surface gelée d'un fleuve évoque l'entre deux de la théorie des catastrophes. A ces trois dimensions du temps nous ajoutons une quatrième, celle évoquée par Kandinsky, le temps intérieur de la profondeur, celui qui est nécessaire au spectateur pour percevoir la forme et sa résonance intérieure.

L'objet informatique peut se ranger sans hésitation dans le modèle d'un univers clos. L'objet informatique, en effet, n'a pas d'expression dans le temps. Son horloge est vide de toute histoire, sans passé, sans présent, sans futur, immobile, intemporelle. Un programme donne tout ce qu'il a à donner d'un coup. Il est une structure définie une fois pour toute. Il demeure hors du temps "historique". Le principe organisateur "géométrise" toutes les informations. Elles sont géographiées éventuellement sur différents niveaux imbriqués les uns dans les autres. On est à un endroit d'un programme et jamais à un moment du programme. Le programme n'a pas de moment. Le temps numérique est vide, sans développement. Il peut représenter une trajectoire mais il n'a pas de sens interne. Tout ordinateur fait la démonstration permanente qu'il est en dehors de toute histoire : il n'écrit rien. Aucune invention spontanée de la machine n'est possible, et son comportement, indépendamment d'une complexité inaccessible à l'entendement, est entièrement prédictible. L'espace informatique est l'expression d'un déterminisme absolu dans lequel passé, présent et futur sont inexistants, indifférenciés.

Les dynamiques croisées de la morpho-fonctionnalité expriment la volonté de fabriquer un "moteur" informatique dont le fonctionnement soit indissociable d'une évolution temporelle. Elles nécessitent un développement dans le temps pour être manifestées et exploitées. Il n'est pas possible de prédire un résultat à l'avance et le phénomène dynamique n'est pas réversible. Chaque cycle de notre objet instrumental correspond à un "âge" de la forme en cours d'élaboration. L'idée est de "créer du temps" là où il n'y en a pas. C'est à dire de rendre possible l'écriture d'une histoire. La structure informatique demeure invariable dans son essence temporelle numérique. Mais l'histoire qui s'écrit pendant la mise en oeuvre du moteur dynamique existe. Et cette histoire fait sens au regard d'un temps numérique indifférent au passé et au présent comme à l'avenir. Ainsi un programme peut saisir le temps immobile numérique dans un développement historique qui fait sens.

Nous savons aujourd'hui que le déterminisme classique pour être pleinement justifié nécessiterait la totalité de toutes les informations possibles de l'univers, ce qui n'est pas concevable. Le temps de l'univers clos ne pourrait être admis que si nous avions une connaissance parfaite de l'éternité et de tout ce qu'il est possible de développer à l'intérieur. A l'évidence, le déterminisme informatique est une figure totalement arbitraire, qui, en tant que telle, s'intègre dans une histoire bien plus large.

C'est pourquoi nous pouvons considérer comme plan originel la surface informatique appelée à porter le contenu de l'oeuvre , parce que l'auteur peut y faire acte de temps, c'est à dire écrire une histoire et livrer des formes à la résonance toute intérieure du temps de la profondeur. C'est ainsi que nous avons inconsciemment impliqué l'informatique en tant qu'art. Nous avons pensé qu'il est possible de conférer au temps numérique informatisé la valeur artistique du temps pictural et de l'image.

Sur le plan musical, l'objet instrumental propose ainsi deux pistes à explorer. Celle du déroulement dans le temps de son histoire, et celle intérieure du temps de la peinture et de l'image.

3.3.2 Image temps, histoire musicale

Objectivement ce que l'on écoute se déroule dans le temps alors qu'une toile parait immobilisée dans l'instant de sa finition. La musique, sous le rapport du temps, est une inversion vidéo de la peinture. Mais il se peut que cela soit tout extérieur, et que dans l'intériorité un seul espace soit à dégager : l'imaginaire.

Un musicien travaille avec un synthétiseur. Il décide de "faire" un son de violon. Tous les paramètres de réglage du synthétiseur sont autour de lui comme des couleurs sur la palette d'un peintre. En les ajustant avec soin, petit à petit il se rapproche du timbre de violon qu'il souhaite figurer. Il obtient progressivement une image sonore du timbre de l'instrument qu'il veut reproduire. Le timbre obtenu n'est pas celui du violon, c'est celui de l'image d'un violon imaginaire. Ce timbre est ensuite mis en scène dans une musique. Il parle du "vrai" violon qui est absent et ce rapport à l'instrument absent est une réelle présence qui peut se passer complètement de l'instrument de référence et l'occulter. le compositeur peut choisir de laisser parler cette image en tant qu'image, c'est à dire quelque soit le jeu. Indépendamment de la partition qui lui est confiée, la seule couleur obtenue de l'instrument "signifie" dans un contexte sonore. Dans le cas de la reproduction d'instruments existants, c'est une création de son figurative, ce serait par exemple un nu dans la peinture, ou bien une nature morte. Le timbre, à travers le synthétiseur, est la peinture sonore d'une idée musicale. Ce travail plastique de la sonorité, à partir des matériaux fournis par tel ou tel synthétiseur, fait souvent apparaître dans le même temps l'image d'une musique et d'une structure musicale. Le timbre apparaît ainsi avec un univers musical entier qu'il contient en lui-même et dont il est membre. Cette perception procède d'une représentation intérieure, imaginaire, silencieuse et intemporelle d'un instrument et d'une musique qui l'accompagne. La sonorité peut se référer à des instruments existants (piano...) à des instruments imaginés ( un piano de 4 km de haut) mais aussi, par le relais de la représentation et de l'imaginaire, à une dramaturgie ( sons d'horreur, suspens, scène d'amour...) ou encore à une mythologie (un lutin, un ptérodactyle, une fée...) etc.. Cette conception de l'image sonore directement accessible est accentuée techniquement par les moyens de reproduction numériques, et la notion d' "échantillons". La copie n'existe plus. Dans l'univers du symbole il n'y a que des originaux en plus ou moins grand nombre. La modélisation du patrimoine musical international sous forme de figures sonores libres de droit d'exploitation en est une conséquence directe. Des formes typiques, caractéristiques de telle ou telle culture musicale sont livrées en kit, et destinées à des assemblages personnalisés, ou industriels, dans les chaînes de montage de l'audiovisuel. Mais du point de vue strictement artistique qui nous intéresse, considérons que le lieu de la conception se trouve alors exactement au même niveau temporel que celui de la peinture. Le travail se fait hors du temps numérique, le chronomètre sans début ni fin, et du temps historique où la sonorité se développe. Le temps nécessaire pour l'image sonore, est essentiellement celui de la résonance intérieure. Le temps musical, dés lors que l'on considère n'importe quel objet sonore comme une photographie sonore et n'importe quel objet musical comme une photographie musicale, rejoint le temps des peintres, celui de la peinture.

Trois remarques découlent de ce regard musical, qui ont pour but de faire comprendre en quoi notre objet instrumental accroît à nos yeux la notion de temps musical.

Lorsque l'on travaille sur des séquences numériques et que l'on utilise des systèmes automatisés, le déroulement objectif de l'oeuvre n'est pas sa durée réelle. La durée réelle de l'oeuvre se perçoit uniquement à travers le temps transversal qui a été nécessaire à sa conception. La composition ne se développe pas uniquement de façon horizontal et chronologique, mais elle se développe surtout, si elle s'appuie sur l'horloge "immobile" de l'ordinateur, de façon verticale, par une succession d'approfondissements à l'intérieur du temps de son déroulement objectif.

Le plan originel informatique permet ainsi d'envisager le développement d'une oeuvre en dehors de son évolution chronologique. Que l'on soit au début de l'oeuvre, à la fin ou n'importe où n'a pas son sens ordinaire. On se trouve en fait devant la musique, en dehors de toute chronologie. Et n'importe quel moment est accessible à tout instant. Le cadre informatique de la durée de l'oeuvre devient une parenthèse définie comme la dimension d'une toile à l'intérieure de laquelle le temps change de sens. Le morceau est donné d'un coup comme un ensemble de formes sur un plan. L'ordre d'apparition des matières sonores est une présentation arbitraire sur laquelle peut porter l'essentiel du travail. Mais la composition peut être comprise indépendamment. Elle peut porter uniquement sur la réunion cohérente de matériaux qui soient de natures différentes. Dans ce cas, quelque soit l'ordre d'apparition des matériaux, la musique est la même. L'objet instrumental que nous avons conçu permet de travailler à l'intersection de ces deux dimensions.

Ainsi l'objet instrumental réunit quatre directions de travail et de recherche qui interagissent entre elles. Deux pour l'informatique : déroulement dans le temps de l'histoire dynamique du programme, et résonance intérieure de la forme dans le temps intérieur pictural. Deux pour la musique : ordre de présentation des matériaux sonores, et cohérence globale indépendante de la structure temporelle de l'ensemble des matériaux sonores.

3.3.3 Développement atemporel, composition picturale

Le logiciel tel qu'il est en ce moment propose une interface sur deux niveaux. Celui de la grille où les échantillons sont localisés, et celui de la matrice qui est le théâtre de la dynamique cellulaire. Ces deux plans sont en interaction. Lorsqu'une cellule ayant atteint le seuil de sonorité passe sur une case de la grille qui contient un échantillon, elle déclenche le son et est affichée en bleu dans la matrice. Le principe est d'autant plus simple qu'il n'y a pas la possibilité de superposer ou de faire se chevaucher deux échantillons différents. Le logiciel ne peut faire apparaître qu'une seule piste musicale.

L'expérimentation musicale porte naturellement sur le choix des échantillons. La première idée a été la "dé-composition musicale" d'une cantate de Bach [Dörffel]. La partition a été réécrite sur un séquenceur numérique classique, puis arrangée sur le mode "cartoons" à l'aide de différents synthétiseurs. Le résultat obtenu avait une durée totale d'environ deux minutes qui ont été divisées en 137 fragments. Le critère de division était que chaque échantillon puisse éventuellement répondre à une répétition un peu exagérée (ce travail était destiné à la première version du logiciel qui présentait des caractéristiques dynamiques différentes. Elles se traduisaient souvent par des répétitions un peu longues). Cette mise en désordre effectuée, tous les échantillons, via mixage sur cassette dat et récupération avec sound édit, se sont retrouvés dans un bloc de ressources affecté à notre objet instrumental. La curiosité l'emportant sur tout autre considération, nous avons maculé notre grille d'affectation des ressources de numéros d'identification complètement au hasard et dans n'importe quel sens. Ensuite, à partir d'une initialisation des cellules sous la forme d'une croix au centre de la matrice, nous avons lancé la dynamique et une forme a commencé de se construire. Sur le plan visuel, notre choix d'une croix s'est avéré très intéressant. Toute l'histoire d'une géométrie religieuse a paru se développer sous nos yeux. Rosaces de cathédrales, nefs, abbatiales... Sur le plan sonore, Bach avait disparu. Par contre, après plusieurs écoutes, la nature et l'unité de l'arrangement utilisé ont semblé se dégager du mélange et réapparaître en surface, indépendamment de l'ordre initial de la partition, dans l'intention globale qui lui avait été conférée. Cette intention est apparue plus nette dans le contraste avec l'ordre chronologique de la partition qui avait disparu. Ce n'était plus un arrangement, c'était l'esquisse d'une autre musique, qui nécessitait un travail spécifique. Cette découverte a permis de s'emparer de l'objet instrumental pour commencer à travailler.

La grille des sons avait été initialisée au hasard et il convenait de faire la différence avec une initialisation réfléchie. La dynamique de la forme n'est pas aléatoire. Répéter une répartition initiale des cellules et un paramétrage produit un développement identique. Dans cette perspective, même si la forme échappe au contrôle du fait de sa complexité, il est possible de se faire des repères stables quoique flous. La forme en croix des cellules de départ a donc été figée afin d'étudier comment obtenir une configuration sonore qui soit plus intéressante. Un certain nombre de tâtonnement a permis de sélectionner des échantillons et de les hiérarchiser entre eux du point de vue de la fréquence d'apparition. D'autre part le développement de la croix, si elle est placée au centre du plan matriciel, présente la particularité d'une symétrie horizontale indéfiniment persistante. La symétrie verticale ne demeure que pendant une vingtaine de cycles puis disparaît. En fonction de ces trois critères, hiérarchie des échantillons, développement symétrique de la forme et son expansion du centre de la matrice vers les bords, Il devient intéressant d'ordonner les sonorités dans la grille. Quatre carrés, enchâssés les uns dans les autres à intervalles réguliers, y ont été choisis comme une figure "compositionnelle" devant témoigner du développement dynamique et restituer une figure sonore. La sonorité des échantillons a également été prise en compte dans la répartition géométrique. Par exemple pour constituer le carré le plus proche du centre, deux sonorités ont été sélectionnées. Elles divisent le carré en deux parties selon l'axe horizontal. Un son pour la partie supérieure, l'autre pour la partie inférieure. Et ainsi de suite pour les quatre niveaux de carré avec des sonorités différentes et une géométrie sonore tenant compte de l'élargissement des carrés. Le plus grand représentait huit échantillons différents. La mise en oeuvre a effectivement produit quelque chose qui ressemble à un développement, avec l'apparition progressive de sons nouveaux. La figure sonore est métissée de précision et de flou. L'intention est extrêmement claire et toutefois se profile comme une ombre. Dans la matrice, un observateur ne peut pas distinguer à travers les cellules bleues qui sont jouées comment ont été réparties les différentes sonorités. Or, du point de vue du son seul, il n'est pas non plus possible de se repérer dans une structure musicale. L'ensemble s'admet tel qu'il est. Il apparaît objectivement comme une construction non aléatoire mais dont on n'a pas la clef. Une nouvelle observation a pu être faite quand au développement de la forme. Elle se développe un peu comme les remous d'un caillou jeté à la surface d'une eau calme, en cercles concentriques, dans le sens de l'expansion. Les sonorités proches du centre, très jouées au départ, le sont de moins en moins à partir d'un certain nombre de cycles. Mais elles ne disparaissent jamais totalement. Elles sont parfois regroupées et reviennent au premier plan mais jamais aussi intensément qu'au lancement de la dynamique. Peut être y-a-t-il un phénomène régulier d'ondulation dans le temps numérique immobile. Cette expression du temps interne de la forme et de son histoire est le plan originel qui permet d'assembler des sonorités préalablement sélectionnées et agencées entre elles.

Un prochain travail expérimental intégrera des données théâtrales. Il portera sur le texte de L. Wittgenstein Tractatus logico-philosophicus. Une lecture par des comédiens et des comédiennes produira des objets sonores spécifiques qui seront additionnés à des échantillons musicaux, dans la perspective de réaliser la sculpture présentée au paragraphe 2.3.2.

Références

[Dörffel] A. Dörffell, Bach : Ich hatte viel bekümmernis: Seufzer,Tränen, Kummer, Not, in Arien album Für sopran ndeg.734, éditions Peters, Frankfurt. London. NewYork, p.15.

[Ekeland 1984] Ivar Ekeland, Le calcul, l'Imprévu, les figures du temps de Kepler à Thom, Seuil, Paris, 1984, p. 140-141.

[Kandinsky a 1912] Wassily Kandinsky, Du spirituel dans l'art, et dans la peinture en particulier, Denoël, Paris, 1989, première édition 1912.

[Kandinsky b 1928] Wassily Kandinsky, Point et ligne sur plan, Gallimard, Paris 1991, premières éditions 1926, 1928, p.143,162, 182, 183.

[Lachenmann 1993] Helmut Lachenmann, De la composition, in Christine Buci-Glucksmann et Michaël Levinas,L'idée musicale, Presses Universitaires de Vincennes, Saint Denis, 1993.

[Malherbe 81] Jean-François Malherbe, Epistémologies anglo-saxonnes, Presses Universitaires de France, Namur, 1981, p. 69, 92.

[Prigogine 1979] : Ilya Prigogine , Isabelle Stengers, La nouvelle alliance, Gallimard, Paris 1979, p. 97.

[Russell 1905] Bertrand Russell, On denoting, Mind, 1905. Trad fr. in Ph. Devaux De la dénotation, l'âge de la science, A. Colin, Paris, 1970, Vol III, p. 171-185.

[Schaeffer 1966] Pierre Schaeffer, Traité des objets musicaux, Seuil, Paris, 1966.

[Wittgenstein 1922] Ludwig Wittgenstein, Logisch-philosophische Abhandlung _ Tractatus logico-philosophicus, with an Introduction by B. Russell, Routledge, London, 1922. Tr. fr. par P. Klossowsky, Tractatus logico-philosophicus (suivi de Investigations philosophiques ), Gallimard, Paris, 1961.

[Wittgenstein 1953] Ludwig Wittgenstein, Philosophische Untersuchungen _ Philosophical Investigations, Blackwell, Oxford, 1953. Tr. fr. par P. Klossowski, Investigations philosophiques, (précédé de Tractatus logico-philosophicus), Gallimard, Paris 1961.